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La veuve pouvait poursuivre le bail

Au décès du preneur, le bail a vocation à se poursuivre mais dans certaines conditions.

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L’histoire

Par acte du 28 mars 1991, Étienne, propriétaire d’un ensemble de parcelles plantées en cerisiers, les avait données à bail à Yves. Ce dernier était décédé le 10 février 2018, laissant pour lui succéder son épouse Anne et ses deux enfants, Joseph et Léa, cette dernière étant mineure. Souhaitant profiter de ce décès pour retrouver la jouissance de ses parcelles, Étienne avait, par acte extrajudiciaire du 11 juillet 2018, notifié à Anne et à ses enfants une résiliation du bail en application de l’article L. 411-34 du code rural.

Le contentieux

Et par requête du lendemain, le bailleur avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux. Il avait demandé de constater son refus de la continuation du bail par les ayants droit d’Yves et d’ordonner, en conséquence, leur expulsion.

Sa demande était-elle fondée ? Il est vrai que selon l’article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint ou du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, participant ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. Certes, la jurisprudence admet que la participation aux travaux de l’exploitation ne doit pas être nécessairement continue au cours de la période de cinq années précédant le décès mais seulement réelle et suivie pendant un temps suffisant. Et en l’absence de conjoint (ou de descendant) remplissant ces conditions, le bailleur peut résilier le bail dans les six mois du décès.

Aussi, pour Étienne, le bail devait être résilié. La participation aux travaux de l’exploitation qui pouvait être prise en compte était exclusivement celle réalisée en qualité de conjoint ou de partenaire d’un pacte civil de solidarité, à l’exclusion de toute participation antérieure à l’acquisition d’une telle qualité. Or Anne avait participé à l’exploitation d’Yves en qualité de concubine. Et elle ne l’avait épousé que 49 jours avant son décès. Et le juge ne pouvait prendre en considération la participation à l’exploitation antérieure au mariage.

Anne avait réagi. La qualité de conjoint devait être appréciée au jour du décès. En revanche, la condition de participation aux travaux n’impliquait pas, pour être remplie, la qualité de conjoint uni par les liens du mariage. Les juges lui avaient donné raison. La Cour de cassation, saisie par Étienne, n’a pu qu’approuver.

L’épilogue

Anne pourra poursuivre le bail. Le mariage avait-il été précipité ? L’histoire ne le dit pas. La solution retenue par la Cour de cassation procède d’une conception élargie de la famille. Désormais, dans la société contemporaine, l’exploitation familiale ne repose plus nécessairement sur le lien du mariage, tant l’union libre s’est développée chez les jeunes exploitants. Aussi, ne faut-il pas que le droit s’adapte à la sociologie ?

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